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ET ILS VECURENT HEUREUX ET EURENT BEAUCOUP D'ENFANTS???
Ils vécurent à jamais heureux ?
Candides expériences de mariages interconfessionnels
De Shyrose Jaffer Dhalla
(Note de l’éditeur : Ja’fferi News exprime sa gratitude envers ces différents couples qui ont si généreusement partagé avec nous, des anecdotes de leur vie privée. A cause de la nature sensible du sujet, les noms de certains des intervenants ont été changés et marqués par un astérisque *)
La voix poétique du Muezzin récitant l’Azan de la prière de Maghrib, remplit d’émotions le cœur de Fatima alors qu’elle se tenait, avec les larmes aux yeux, au seuil de sa maison d’enfance à Dar-
« Laisser sa jeune fille quitter la maison pour poursuivre ses études est une décision très difficile à prendre pour un parent. » dit son père en secouant sa tête avec tristesse. « Mais je sais que je serai le père le plus fier au monde, lorsque tu retourneras de l’Angleterre en 1974, avec ton diplôme d’infirmière !»
Les Douas qu’il récita ensuite pour la sécurité et la réussite de sa fille ont produit sur son cœur le même effet qu’un baume réconfortant. Elle ferma les yeux lorsqu’elle sentit son père se rapprocher et poser sa main sur la sienne.
« Fatima, ma chère enfant, je t’en supplie » le ton sérieux de son père lui donna des frissons, « Quoique tu fasses, s’il te plaît, s’il te plaît, ne te marie pas avec un homme blanc. »
Deux ans plus tard, malgré son envie désespérée d’obéir à ses parents, la Fatima Kermalli de 24 ans est tombée amoureuse d’un ambulancier de 19 ans, appelé Philip Worthington.
Le stigmate des mariages interconfessionnels a perdu de son ampleur au fil des ans. En effet, on a tendance à accorder un certain prestige et du romantisme à ces « mariages d’amour » qui aboutissent au travers de multiples drames incluant des parents furieux, des prétendants tenaces et des amoureux tourmentés. Par la suite, les sourires rayonnants des parents et des nouveaux-
Contrarier les parents
« Ce fût tellement dur ! » s’exclame Fatima tristement alors que 25 ans se sont déjà écoulés depuis. « Certains membres de ma famille ne m’adressaient plus la parole et mes parents étaient tellement bouleversés. Je suppose que cela devait arriver. Mais croyez-
« Philip s’est converti mais ils s’imaginaient qu’il était le genre de personne à vouloir de la bière au petit-
Après la conversion
Réussir à convaincre des parents angoissés ne représentait que le début des problèmes de Nasim Dharamshi, qui elle est tombée sous le charme d’un garçon Ismaéli à l’âge de 21 ans. « Ils étaient vraiment contrariés » nous confie-
« Au départ, il priait et il jeûnait alors je pensais qu’il se rendait au Jamatkhana pour le côté social. Je me disais qu’au moins il accomplit le Namaz. Mais peu à peu, il était de plus en plus attiré par eux et il se rendait au Jamatkhana au milieu de la nuit comme les Ismaélis ont l’habitude de faire. On lui mettait même la pression pour qu’il amène sa femme avec lui ! J’ai été tellement blessée par son attitude. Je me suis sentie tellement trahie. Au bout d’un certain temps, il passait tout son temps avec eux, tandis que je me retrouvais toute seule pendant des heures durant, avec notre petit garçon. Je me demandais alors si cette histoire de conversion était juste une ruse pour m’avoir et pour m’épouser. »
Etre dans un couple interreligieux, place l’une des personnes dans une situation embarrassante où elle devient une autorité en matière de sa propre religion. Cette situation provoque non seulement des ravages en raison du rapport de force qui se crée dans la relation mais en plus, elle entraîne une pression et une responsabilité qui peut éventuellement mener à un sentiment de culpabilité lorsque les choses n’évoluent pas aussi bien que prévu.
« Il est difficile d’enseigner sa religion à quelqu’un d’autre » explique Nasim « Vous devez vous-
L’expérience de Philip et Fatima Worthington a été plus positive. « Je n’avais pas vraiment de religion » explique Philip. « Mais quand j’ai rencontré Fatima et que je la voyais prier, je lui demandais pourquoi elle le faisait et ses explications me paraissaient censées. J’étais stupéfait par ce mode de vie. C’était très terre à terre et il n’y avait rien d’anormal à cela. Je me suis fait un enregistrement du namaz et je priais en m’aidant de ça. Un an plus tard, nous sommes allés pour un long voyage de noces à Dar-
« Allah (swt) a vraiment pris soin de nous » dit Fatima Worthington avec gratitude. « Peut-
Hamida Jessa* a elle aussi épousé un homme qui ne pratiquait pas sa religion (Hindouisme). « Il me disait que j’étais libre de pratiquer ma religion » explique-
« Je ne sais pas, je ne suis pas sûre que les mariages interconfessionnels puissent vraiment fonctionner. » dit Nasim Dharamshi. « Peut-
Changer de religion est un acte profondément personnel qui nécessite un transfert de croyances, de valeurs et d’attitude, absolu et interne. Même si chaque mariage d’amour débute avec les meilleures intentions, il est important de comprendre qu’une conversion est plus facile à dire qu’à faire. L’étape la plus difficile d’une conversion pour une personne n’est pas la récitation de la Shahada mais plutôt la confrontation avec les challenges non anticipés au moment de pratiquer sa foi. Ainsi, il existe toujours un risque potentiel que le partenaire aimant, qui a sincèrement fait une tentative de changer, puisse réaliser un jour qu’il ou elle est incapable de vivre avec le choix qu’il ou elle a fait involontairement.
« Un divorce, ce n’est pas sain. » soupire Hamida Jessa. « La perspective d’avoir nulle part où aller, de faire face aux parents qui vous avaient dit ‘ne reviens pas nous voir s’il te laisse tomber’ et d’être une personne divorcée ; toutes ces choses vous retiennent. Alors, je me contente de me concentrer sur ce qui est bien chez mon mari et j’essaie d’accepter ma situation. »
Habitudes alimentaires/ Coutumes/ Habillement/ Traditions
Les personnes qui sont capables d’aimer et de se marier par-
Toutefois, pour les femmes, la question qui se pose est comment faire pour présenter des plats provenant des deux cultures.
« J’ai pris des cours pour apprendre à faire cuire des tartes. » dit en souriant Shaheen Moledina, qui est mariée avec Zulfiqar (Peter) depuis plus de 5 ans. « Il adore la cuisine indienne mais je ne voulais pas le priver des plats avec lesquels il a grandi. Il est issu d’une famille irlandaise très traditionnelle et soudée et même si j’ai grandi ici, j’avais encore beaucoup à apprendre. C’est bien plus de travail qu’on ne le croit. Il y a sans aucun doute un fossé culturel et on le ressent très particulièrement lorsque l’on participe aux évènements dans l’autre famille. Par exemple, quand c’est Thanksgiving, il y a de la dinde, mais vous ne pouvez pas en manger parce que ce n’est pas Halal. »
« Vous ne voulez pas paraître impoli ou ingrat » explique Fatima Worthington. « Je me rappelle qu’une fois ma belle-
« Ce sont des petites choses sur le plan culturel » explique Shaheen. « Par exemple, mes beaux-
« Vous ne voulez pas être incompris et votre propre conjoint peut penser que vous faites la difficile alors que vous vous contentez d’être vous-
« Au début, » dit en souriant Fatima Worthington « il y avait des moments, comme dans une boutique, où je devais expliquer à Philip que ‘je ne peux pas porter cette tenue car elle n’est pas appropriée’. Il y avait des fois où je me disais ‘Oh mon Dieu, ça ne va jamais marcher’, mais Allah (swt) nous a guidés. »
« Je suis tombé amoureux de Fatima pour ces mêmes qualités, » explique Philip. « C’était son éducation, ses croyances, sa philosophie et son attitude qui la rendaient si attirante, belle, gentille et bienveillante. J’ai aimé la complicité qu’il y avait entre ses frères et sœurs, ses bonnes manières et sa façon de mener une conversation. »
Emmener son conjoint fraîchement converti à la mosquée nécessite également une organisation au préalable et une préparation mentale. « C’était sans aucun doute accablant,» se rappelle Philip en parlant de sa première expérience des Majalisses de Moharram. « Je veux dire voir des hommes adultes pleurer, je n’avais jamais vu quelque chose comme ça auparavant. Mais Fatima m’a tout expliqué sur la Bataille de Karbala et sur la façon dont les gens s’habillaient à la mosquée etc,… Et je me suis dit : ‘Bon sang, c’est tellement censé.’ Et les larmes ont coulé tout naturellement. »
Se faire accepter
Chaque jour ces époux doivent faire face à leur réalité de couple interconfessionnel.
« A chaque fois, les gens nous dévisagent. » dit Shaheen en secouant la tête avec résignation. « Aller dans un centre commercial signifie se faire observer en faisant les courses. Quand vous allez au restaurant, plus particulièrement dans les petites villes comme la ville natale de Zulfiqar, Belleville, les serveuses nous demandent si nous souhaitons avoir des additions séparées ! On doit également faire face aux préjugés, comme le fait que les gens présument que parce que vous avez eu un mariage d’amour, vous êtes une fille très « ouverte » ou quelque chose comme ça. Vous vous retrouvez à raconter l’histoire de votre vie aux gens ! »
« Après le mariage », se rappelle Philip Worthington, « nous nous sommes installés dans un village appelé Whitchurch situé à 80 miles de Londres (Angleterre). Les gens osaient s’arrêter pour jeter un coup d’œil dans la poussette de notre bébé, pour voir notre enfant aux cheveux foncés et aux yeux foncés. Les gens continuent à nous dévisager au centre commercial et lorsque je vais à la mosquée, les gens me regardent comme si j’étais bizarre, vert, un Martien venant de Mars ! Au travail, ils me surnomment le Bonhomme Anglais Musulman, mais au moins ils viennent me voir lorsqu’ils ont des questions sur l’Islam. A la mosquée personne ne me parle, ils se demandent tous qui est ce mzungu ; mais j’y vais même si on ne m’adresse pas la parole. Mon objectif est de rendre hommage au Prophète (saw) et aux Imams (as). »
Toutefois, les autres comme Zulfiqar Graham ont eu une expérience plus positive où les gens lui ont fait sentir qu’il était le bienvenu et qu’il était accepté. « Mais je n’oublierai jamais le jour, » dit-
« Nos enfants ont dû faire face au fait qu’on leur donnait des surnoms parce qu’ils sont métis. » dit Philip Worthington. « A plusieurs reprises, nous avons été obligés d’en parler à table pendant le dîner afin de les aider à gérer la situation. »
Belle-
Le mariage ce n’est pas seulement l’union de deux individus, c’est également l’association de deux clans. Les expériences des couples interculturels indiquent que cette théorie n’appartient pas uniquement aux Indiens mais à n’importe quel groupe ethnique, sans distinction de couleur. Beaucoup d’interviewés ont rapporté qu’ils se sont sentis pleinement épanouis uniquement après avoir été mariés et après avoir passé beaucoup de temps au sein de leur belle-
« Mon mari est issue d’une famille nombreuse d’origine irlandaise » explique Shaheen Moledina. « Et ils organisent de grandes fêtes pour les anniversaires de chaque membre de la famille, pour Noël, pour Pâques, pour Thanksgiving, pour les anniversaires de mariage, pour les naissances et toutes les occasions ! Et nous sommes assez nombreux ! »
Bien que le conjoint se soit converti à l’Islam, la belle-
« Ma belle-
Plusieurs interviewés ont également évoqué une forte sensation d’inadéquation et un sentiment constant de se sentir exclu par la belle-
Les enfants
L’arrivée d’un enfant peut entraîner des défis dans les relations les plus solides, comme n’importe quel couple ayant des enfants pourrait l’attester. Pour la majorité des interviewés interrogés pour cet article, avoir des enfants a en quelque sorte constitué un tournant décisif dans leur relation.
« Dans un mariage quelconque, » théorise Nasim Dharamshi, « vous aurez des problèmes communs d’argent, de belle-
« Nous avions décidé au sujet des enfants dès le premier jour, » explique Hamida Jessa qui s’est mariée à un Hindou trente ans plus tôt. « Nous nous étions mis d’accord qu’une fois que nous aurons des enfants, nous les laisserions choisir leur religion. Mais après avoir eu ma fille, j’avais cette terrible sensation de perte, je me disais que je privais mon enfant de son droit de connaître Allah (swt). Quand j’essayais de lui apprendre, mon mari me disait de la laisser tranquille parce que je ne lui laissais pas le droit de choisir ! En lui apprenant alors qu’elle n’avait que 7 ans, je l’influençais. Mais la religion est quelque chose qui doit être inculquée dès le jeune âge. Comment une personne pouvait-
« Quand mon fils est né, » se rappelle Nasim Dharamshi, « ma dépression s’est empirée. Je ne savais plus où j’allais. J’étais tellement blessée parce que mon mari m’avait trahie et je me demandais s’il m’avait jamais aimée. Si quelqu’un vous aime, pourquoi vous ferait-
Beaucoup d’intervenants ont révélé que les problèmes qui ont surgi pendant leur mariage et leur lutte pour rester fidèle à l’Islam, ironiquement, les rendaient moins spirituels. « J’étais perdue, » explique Nasim. « J’étais sur un terrain glissant. Ma conception de Dieu était devenue confuse, je Le blâmais. Je Lui disais, pourquoi ne peux-
Pour les enfants issus de mariages interconfessionnels, la tâche monumentale de choisir quelle religion suivre devient inexplicablement liée au besoin d’exprimer sa loyauté à chacun de ses parents. Un enfant qui choisit de suivre la religion d’un parent court le risque de voir son choix être considéré comme un acte de trahison par l’autre parent.
Hamida Jessa reconnaît que sa fille de 21 ans vit sous les tiraillements de son cœur. « Elle remarque que lorsqu’elle s’intéresse à l’Islam, le visage de son père change. Il devient silencieux et se renferme sur lui-
« Même si nous n’avons pas d’enfants, » dit Shaheen Moledina, « je peux très bien imaginer toutes les difficultés que ma fille aurait à surmonter. Elle irait au Madressa et à la Mosquée mais je sais que ma belle-
« Ma fille est tellement confuse, » soupire Hamida Jessa. « Quand je prie, elle vient et s’assoit près de moi. Elle prend le mohr (sajdagah) dans ses mains et le met sur son visage. Elle prend le tasbih dans ses mains. Et elle me demande, ‘maman, si ta religion est celle qui est vraie, pourquoi es-
« Comment enseigner deux religions ? » se demande Nasim Dharamshi. « L’une d’elle dit ce n’est pas grave de boire de l’alcool tandis que l’autre dit que c’est haram. L’une dit qu’il faut accomplir le namaz et l’autre dit qu’il suffit de réciter des Douas. L’une demande de rompre le jeûne au Maghrib et l’autre dit qu’il faut le faire à 18h. L’une autorise à fréquenter librement le genre opposé, l’autre ordonne de se couvrir. Je me demande parfois ‘qu’ai-
Après 10 ans de mariage, Nasim Dharamshi, en tenant la petite main de son enfant de 5 ans et demi, passa la porte d’entrée de sa maison. « Je détestais ce mot, divorce. Mais avoir un enfant m’a donné le courage de partir. Je savais que si je restais mon enfant deviendrait un Ismaéli à coup sûr. Si je restais, j’aurais tout perdu, même Dieu. Je remercie Dieu de m’avoir donné le courage de quitter assez tôt parce que plus vous attendez, plus ça devient difficile. Parfois, je me mets en colère contre moi-
« Avoir des enfants a changé nos vies, » dit Philip Worthington. « Nous avons déménagé au Canada parce que nous voulions être dans un endroit où on avait de la famille, une mosquée et un Madressa. Et les enfants en rentrant du Madressa, nous apprenaient ! Je m’asseyais et je faisais les devoirs avec eux et ils m’aidaient à comprendre. Nous avons commencé à prier en famille ! Quand nous sommes finalement allés au Hajj, Fatima et moi, nous nous sommes regardés de façon incrédule : ‘Sommes-
Traduit par une Kaniz-